Les Républicains font adopter une loi exigeant une preuve de citoyenneté américaine pour voter

Les Républicains font adopter une loi exigeant une preuve de citoyenneté américaine pour voter

La Chambre des représentants américaine a adopté le 10 avril 2025 un projet de loi controversé porté par les Républicains. Cette législation, baptisée SAVE Act (Safeguard American Voter Eligibility Act), exige désormais que les citoyens américains fournissent une preuve documentaire de leur citoyenneté lors de leur inscription sur les listes électorales fédérales. Ce texte s’inscrit dans les priorités du président Donald Trump en matière électorale.

Nouvelle législation électorale: ce que contient le SAVE Act

Le texte adopté par la Chambre constitue une tentative des Républicains de concrétiser dans la loi l’ordre exécutif signé par Donald Trump le mois dernier. Le représentant Bryan Steil, républicain du Wisconsin qui préside la commission électorale de la Chambre, a défendu cette initiative comme étant nécessaire pour restaurer la confiance des Américains dans leur système électoral et empêcher les non-citoyens de voter.

Concrètement, le SAVE Act obligerait tous les demandeurs utilisant le formulaire fédéral d’inscription électorale à présenter physiquement une preuve documentaire de citoyenneté auprès de leur bureau électoral local. Parmi les documents acceptés figurent :

  • Un passeport américain valide
  • Une carte d’identité gouvernementale avec photo accompagnée d’un certificat de naissance
  • Des documents officiels attestant de la naturalisation
  • Des documents fédéraux confirmant le statut de citoyen

Chip Roy, représentant républicain du Texas et principal promoteur du projet, a souligné que ceux déjà inscrits sur les listes électorales pourraient continuer à voter avec leur inscription actuelle. Il a également mentionné que Cleta Mitchell, figure centrale dans la campagne de Trump pour contester les résultats de l’élection de 2020, « a joué un rôle significatif » dans l’élaboration de cette législation.

Cette loi représente la deuxième tentative des Républicains pour faire adopter le SAVE Act. Une version similaire avait été approuvée par la Chambre l’année dernière mais avait échoué au Sénat face à l’opposition démocrate.

Controverses et implications pour les électeurs américains

Les Démocrates et les organisations de défense des droits civiques ont vivement critiqué cette législation, arguant qu’elle pourrait entraîner une privation massive du droit de vote si elle devenait loi. Selon un rapport publié en 2023 par le Brennan Center for Justice, environ 9% des citoyens américains en âge de voter, soit 21,3 millions de personnes, ne disposent pas immédiatement d’une preuve de citoyenneté. Près de la moitié des Américains ne possèdent pas de passeport.

Le représentant Joe Morelle, démocrate de New York, a dénoncé ce qu’il considère comme un « cauchemar administratif » imposé aux Américains pour exercer leur « droit inaliénable » de citoyens. « Ce projet de loi vise en réalité à priver les Américains de leurs droits – pas les non-citoyens, mais bien les Américains », a-t-il affirmé.

Groupe potentiellement affecté Problématique spécifique
Femmes mariées/divorcées Difficultés liées aux changements de nom
Personnes âgées Accès limité aux documents d’identité
Militaires Impossibilité d’utiliser uniquement leur ID militaire
Minorités ethniques Impact disproportionné des obstacles administratifs
Américains à faibles revenus Manque de ressources pour obtenir les documents requis

Une préoccupation particulière concerne les 69 millions de femmes qui ont changé leur nom après un mariage ou un divorce. Un incident récent lors d’élections municipales au New Hampshire, où une loi similaire est en vigueur, a illustré ce problème : une femme divorcée n’a pas pu s’inscrire et voter car elle ne possédait plus son certificat de mariage de Floride prouvant son changement de nom.

La représentante Laurel Lee, républicaine de Floride, a soutenu que le projet de loi « envisage exactement cette situation » et « ordonne explicitement aux États d’établir un processus » pour ces cas. Mais pour le démocrate Morelle, cela créerait potentiellement « 50 normes différentes » à travers le pays.

Impact politique et perspectives d’adoption

L’adoption de ce texte par la Chambre s’inscrit dans un contexte électoral chargé, les Républicains ayant fait de cette question un argument de campagne majeur lors de la dernière élection présidentielle. Pourtant, comme le soulignent plusieurs experts, le vote des non-citoyens est déjà illégal et extrêmement rare, pouvant entraîner des accusations criminelles et l’expulsion.

Adrian Fontes, responsable électoral démocrate de l’Arizona, a qualifié cette proposition de « solution en quête d’un problème » qui capitalise sur « la peur construite sur un mensonge ». Ce mensonge, selon lui, est l’idée qu’un grand nombre de personnes non éligibles votent, ce qui ne correspond pas à la réalité.

L’expérience du Kansas illustre les risques potentiels de telles mesures. Une exigence similaire de preuve de citoyenneté adoptée en 2011 avait bloqué l’inscription de plus de 31 000 citoyens américains autrement éligibles au vote. Cette loi a finalement été déclarée inconstitutionnelle par un tribunal fédéral et n’est plus appliquée depuis 2018.

Malgré l’adoption à la Chambre, les perspectives d’adoption définitive du SAVE Act semblent limitées. Bien que les Républicains aient gagné le contrôle du Sénat l’automne dernier, leur majorité étroite reste insuffisante pour atteindre les 60 voix nécessaires pour surmonter un obstruction parlementaire. Quatre démocrates ont néanmoins voté en faveur de la législation : Ed Case (Hawaii), Henry Cuellar (Texas), Jared Golden (Maine) et Marie Perez (Washington).

Cette initiative législative s’inscrit dans une tendance plus large de durcissement des lois électorales observée dans plusieurs États américains, souvent portée par des figures proches de Donald Trump qui continuent de contester, sans preuves, sa défaite de 2020 face à Joe Biden.

Sophie Bernard
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